Forké de Et si ... peine de mort
On me pose trés souvent cette question. Il y’a des variantes. Par exemple :
- « et si les gens votent pour interdire l’IVG ? »
- « et si les gens votent pour jeter les migrants à la mer ? »
- « et si les gens votent pour légaliser l’homicide ? »
Exemple avec le reportage de France 2 à 3min16 :
Et j’ai invariablement la même réponse.
Bien comprendre l’objet de la question
Lorsque les gens posent la question « Et si votre plateforme se met à voter pour la peine de mort ? », ils ne demandent pas :
- quel est notre avis sur la peine de mort
- comment va-t-on débattre de la peine de mort
- est-ce que la peine de mort c’est bien ou pas
Non. Ils sont en train de te dire que c’est bien gentil de « faire voter les gens » et d’espérer des bisous en retour, mais qu’il n’y a pas que des flèches/gentils/humanistes et que ça peut-être la porte ouverte à toutes les dérives. En gros, c’est même pas une question. C’est plus une objection qu’une question : « je pense que tu es un naïf et que ton idée, c’est beau sur le papier mais ça va déraper ».
La « peine de mort » (ou tout autre sujet qui sert à poser cette question) n’est qu’un exemple.
Il n’y a pas de débat ou de réflexion à avoir sur la « proposition horrible » dans « et si on vote une proposition horrible ». Aucune. Rien. Zéro. Ne tombez pas dans ce piège ! Sinon vous allez débattre idéologie, et non méthode.
Sur la défaillance du moyen
C’est amusant de constater que dans la vidéo ci-dessus - et c’est fréquent - le journaliste dit « un système qui amène des idées affreuses […] » et non pas « des gens qui amènent […] ». Comme si le moyen - la plateforme de vote donc - était en cause.
Non : ceux sont des gens qui votent. Ces gens expriment une opinion. Le moyen n’a rien à voir la dedans. 577 gus à l’Assemblée Générale se débrouillent déjà très bien pour avoir des idées ineptes.
Sur la liberté d’opinion et le droit de vote universel
La « proposition horrible » et jugée « horrible » par ce qu’on est pas d’accord. Mais si d’autres votent pour, c’est leur droit. Au final, la première réponse à apporter c’est que les gens vont nécessairement voter pour des choses avec lesquelles chacun d’entre nous peut ne pas être d’accord.
On va surtout pas les en empêcher.
La question elle se pose d’ailleurs avant tout aux gens qui la pose : « tu feras quoi, toi, si une majorité de gens vote pour un truc de ce genre alors que tu es fondamentalement et viscéralement contre ? »
Sur l’importance de la liberté de faire de « mauvais choix »
On peut argumenter que certains choix sont objectivement « mauvais ».
Mais là attention : loin de moi l’idée de prétendre que ça n’arrivera pas et que les gens ne vont pas voter en masse pour un truc débile.
Au contraire : je suis convaincu qu’une majorité de gens va sûrement voter - et plutôt deux fois qu’une - pour des proposition nulles, rétrogrades voir nauséabondes.
Les gens vont se « tromper ».
Pire : les gens doivent se tromper.
Il faut qu’ils se trompent.
Ils vont voter n’importe quoi au début.
ON va voter n’importe quoi au début.
Ca va nous retomber droit dans la mouille.
On va regretter. On va apprendre.
On ne remet pas en cause le principe du vote.
On remet en cause sa fréquence.
Au lieu de se tromper tous les 5 ans, on va se tromper tous les 5 jours.
C’est 365 fois plus d’occasions de se tromper. Mais aussi et surtout 365 fois plus d’occasions d’apprendre.
Et notre conscience démocratique va d’autant plus s’éguiser.
15 milliards d’années d’évolution de l’univers, de la pure énergie aux êtres doués de conscience que nous sommes, tout ça grâce à trois choses : le hasard, la nécessité et le temps. On n’a rien inventé.