Merci Michael pour cette lecture effectivement stimulante !
Ça me rappelle un échange que nous avions eu en juin 2016 après la première campagne de la partielle de Strasbourg ici :
Ce texte est effectivement intéressant, mais je trouve qu’il est un peu daté. On a quand même un peu progressé depuis 50 ans, non ?
Même s’il est toujours intéressant de se réinterroger à l’aune de l’histoire… (d’ailleurs pour celles et ceux que la politique en France dans les années 60-70 intéresse, je recommande la lecture de Générations d’Hervé Hamon et Patrick Rotman, un éclairage riche et stimulant sur cette période féconde)
Je trouve que c’est intéressant de réagir ici à l’affirmation que tu posais ailleurs en disant que le management, ce n’est pas de la politique. Je pense strictement l‘inverse. Pour moi, le management, c’est de la politique (comme beaucoup d’autre choses d’ailleurs : le couple, la famille, le code, la loi…)
Et je crois justement que ce qui est intéressant dans la période que nous vivons actuellement ce sont les fertilisations croisées que l’on peut faire entre les aspirations à plus de démocratie dans l’entreprise et la nécessité d’une démocratie renouvelée.
Par exemple, j’ai de ce point de vue beaucoup plus appris sur les questions d’horizontalité à la lecture du livre de Frédéric Laloux, Reinventing Organizations, Vers des communautés de travail inspirées (en particulier p150-154 et 196-200), qu’en lisant ton texte.
Son analyse sur les erreurs les plus communément commises quand on parle d’horizontalité m’a particulièrement éclairé. Selon lui, deux des erreurs les plus fréquentes, que l’on a beaucoup éprouvées tout au long de #MAVOIX, sont ainsi:
Croire qu’il n’y a alors ni structure, ni management, ni direction : les tâches de direction n’ont pas disparu, elles ne sont simplement plus concentrées dans des rôles dédiés ;
Considérer que tout le monde doit être sur un pied d’égalité : la question n’est pas comment donner le même pouvoir à tout le monde, mais comment faire en sorte que tout le monde ait du pouvoir ?
Ainsi, Laloux explique que la structure véritable de toute organisation a la forme de l’entrelacs complexe et mouvant des relations et des engagements que chacun prend pour que le travail puisse se faire.
Si nous reconnaissons que nous sommes tous interconnectés, plus l’un a la capacité d’agir, plus l’autre peut devenir puissant. Plus il a la capacité de faire avancer la mission de l’organisation, plus il me donne d’occasions d’apporter ma propre contribution. Même si le niveau de « capacité d’agir » de chacun.e est différent, tout le monde peut exprimer sa puissance.
Et cela se fait en fonction des arbitrages personnels à chacun.e en termes de temps, d’envies etc. Juste une expérience sur nos chemins de vie que chacun choisit de mener selon ses envies.
Et ce qui est unique à #MAVOIX, notamment du fait du tirage au sort et de la non personnification dans les médias, c’est qu’il n’y a pas de corrélation entre le temps investi et le retour personnel attendu : pas de poste à pourvoir, pas d’argent ou de notoriété à gagner, etc. hormis le simple fait d’apprendre en faisant les un.e.s des autres, les un.e.s avec les autres (formation pair à pair et développement de ses compétences).
C’est, quoi qu’on en dise, une sacrée façon de faire vivre concrètement l’horizontalité
L’explication par Laloux de ce qu’il appelle mécanisme de sollicitation d’avis (advise process) est également très éclairante : toute personne est habilitée à prendre n’importe quelle décision, mais doit solliciter l’avis de ceux qui sont concernés et des personnes ressource sur le sujet, il n’y a pas de recherche de consensus, mais toutes le personnes concernées ont voix au chapitre, ce n’est pas une synthèse molle qui fasse plaisir à tout le monde, plus la décision est importante, plus il faut ratisser large , la décision est prise par la personne qui a identifié le problème ou l’opportunité ou qui est la plus concernée.
En résumé simpliste : ceux qui font prennent des décisions, quitte à se tromper et à corriger le tir après, mais avec comme obligation de venir toujours au centre (réunions hedbo du jeudi) pour valider ou réorienter les travaux. Et c’est très exactement ce que nous avons fait. Ainsi, la campagne de juin 2017 n’a pas été la même que celle de mai 2016 à Strasbourg.
Si l’on veut rester dans le champ de la démocratie, il me semble qu’il y a plus à apprendre dans l’analyse des expériences récentes comme Nuit Debout, Occupy ou le mouvement des places.
Je recommande par exemple la lecture du numéro de la revue Temps modernes ayant pour titre Nuit Debout et notre monde, et en particulier le texte de Patrice Maniglier, « Pourquoi Nuit debout n’a pas tenu ses promesses ? », très éclairant sur la distinction entre pouvoir et puissance (une version courte du texte ici :
« Il faut distinguer la puissance, c’est çà dire la capacité d’action, la capacité de mobiliser d’autres êtres et le pouvoir qui est la propriété attachée à un agent d’obtenir le concours d’autres êtres du seul fait que la décision a été prise par lui » (…) « La légitimité d’un pouvoir, ce n’est rien d’autre que le fait que les gouvernés ne résistent pas à ce qu’on leur fait faire et même y contribuent largement de leur propre initiative, autrement dit y apportent leur puissance. La légitimité permet en somme de faire l’économie de la contrainte physique »
Un autre apport intéressant, évoqué par @ManonHnr à Marseille dans sa restitution de son travail sociologique sur #MAVOIX, est celui des travaux du sociologue Daniel Gaxie sur la gratification en politique http://www.univ-paris13.fr/dsps/images/stories/fichiers/l3sociopo_duval_7_1112.pdf
En fait, je crois que je ne comprends pas vraiment ce que tu cherches à dire en partageant ce texte à ce moment de l’histoire de #MAVOIX.
Il me semble que l’on est rendu bien plus loin que cela dans ce que nous sommes parvenus à faire en construisant un cadre protecteur et en le faisant vivre.
Je suis d’accord avec @tielpi
J’ajoute une précision.
Sur ce point particulier, cette formulation « faire en sorte que tout le monde ait du pouvoir » me semble encore trop imprécise. Je dirais plutôt : « faire en sorte que tout le monde ait la capacité d’avoir le pouvoir dont il a besoin » car ça prend mieux en compte :
que l’initiative était la bienvenue
que des branches parallèles pouvaient être développées
En fait, je crois que je ne comprends pas vraiment ce que tu
cherches à dire en partageant ce texte à ce moment de l’histoire de #MAVOIX.
Je propose ce texte parce que des discussions critiques sur l’horizontalité (avantages et désavantages) sont présentes dans plusieurs comptes rendus de réunions récentes : Marseille, Paris, Bordeaux.
Il y en a même trace dans la carte mentale de Manu.
Ca me semble pas du tout hors-sujet.
Et je ne vois pas en quoi un texte des années 70 serait forcément vieilli. Tous ces progrès fait depuis 50 ans… en effet.
J’ai lu le texte de Maniglier, qui est intéressant. Ca recoupe, de très loin, des choses que j’ai vécues.
J’essaierai de trouver le livre de Laloux. Tu en fais un résumé très positif.
A Bordeaux, quand on a débattu de l’horizontalité, on s’est aperçu que personne ne comprenait la même chose sous ce terme. Donc je crois que le sujet mérite d’être discuté, sur le forum, en réunion ailleurs, quand on en a envie.
Moi, au fond, la seule grande question qui m’intéresse c’est : comment attirer beaucoup de monde autour d’initiatives comme Mavoix ? Pas seulement mille personnes éparpillés à travers la France. C’est toujours dans cette perspective que je pose des limites ou des problèmes.
Pour moi c’est l’absence de hiérarchie et de domination, une responsabilité diffuse et un encouragement de l’initiative. On essaie de considérer que tout le monde est sur le même plan et de favoriser une dynamique générale (cad qui concerne tout le monde).
Mais c’est pas un terme que j’utilise.
Les problématiques auxquels répond l’horizontalité concernent (comme tu le suggères) l’organisation de groupe. C’est pour ça que c’est principalement un terme de management.