Pour nourrir la réflexion sur la préparation de notre week-end, j’ai notamment écouté la conférence d’un ami, Jean-Pierre Goux, à l’Institut des futurs souhaitables.
A une question sur la façon de mettre en commun les énergies de toutes les initiatives citoyennes qui fleurissent un peu partout, il a répondu par une métaphore qui m’a paru très intéressante, pour expliquer qu’il pouvait être dommage de passer plus de temps à essayer de se relier qu’à essayer de créer et d’inventer et qu’il fallait accepter le bordel et même dire aux gens de se lâcher sur la créativité.
Jean-Pierre prenait l’image d’une nuée d’oiseaux : chacun va dans son sens, aucun ne se rentre dedans, ils ont juste une règle, et ça a été analysé par des chercheurs en mathématiques, qui est : je regarde où est mon voisin et j’adapte ma vitesse pour ne pas lui rentrer dedans, c’est à dire avoir la conscience de l’autre à un niveau très local, sans se soucier de la forme du groupe.
Qu’est-ce qui fait qu’une nuée d’oiseaux arrive à faire des migrations, malgré ce bordel là ? Un récepteur magnétique dans leur cerveau leur permet de percevoir les champs telluriques de la terre et les amène d’un point A à un point B.
Jean-Pierre en tirait comme leçon qu’il faut accepter le bordel, avoir une règle de non collision avec l’autre et travailler sur ce champ magnétique commun qui peut être la vision. Après la vision, les gens iront dans un sens donné et même si la structure paraît chaotique, elle avancera, elle ira dans le bon sens.
Cette métaphore m’a énormément parlé sur notre façon de faire vivre #MAVOIX autour de ces trois points : ne pas passer trop de temps à faire de la reliance, mais mettre des règles de non collision et privilégier la vision.
Aucun.e de nous ne contestera la structure chaotique de #MAVOIX. Mais il me semble effectivement que c’est aussi elle qui permet la créativité et nous a fait, je le crois, beaucoup avancer sur le chemin que nous nous sommes fixés.
Car, oui, la vision, nous l’avons : faire entrer par la grande porte des cityen.ne.s à l’Assemblé nationale en gagnant des circonscriptions lors des élections législatives de juin 2017.
C’est finalement une feuille de route assez simple : construire un véhicule électoral pour faire élire des citoyen.nes volontaires formés et tirés au sort. Partout où c’est possible.
Et cela ressemble finalement assez à cette histoire de nuée d’oiseaux où ce qui compte, c’est la conscience de chacun au niveau local, de la direction à suivre, sans se soucier de la forme du groupe.
Arrivé à ce stade de l’histoire de #MAVOIX, après plusieurs mois de travail et une campagne électorale intense, je voulais partager avec vous ces réflexions. Car je pense effectivement qu’à passer trop de temps à faire de la reliance, nous risquons de nous perdre, comme nous pouvons gaspiller énormément d’énergie, voire nous faire du mal, à ne pas mettre en place des règles de non collision plus efficace.
Ce que j’appelle règles de non collision ici, c’est un principe simple : celle ou celui qui fait, c’est à dire qui donne le mouvement au groupe, le fait de bonne foi et le fait généralement car elle il en a le temps, les compétences voire l’envie d’y consacrer une partie de ses deniers, quand c’est nécessaire, au service du chemin commun. Elle il mérite notre confiance et notre soutien.
Tant que ce chemin commun est connu et partagé, cela fonctionne. Et il me semble qu’il n’en a, à ce jour, jamais été autrement : nous partageons l’objectif de faire élire des député.e.s citoyen.ne.s à l’Assemblée nationale.
Ce qui nous sépare parfois, ce sont les petites actions quotidiennes pour y arriver et le temps et l’énergie que nous y consacrons.
Pas plus tard que la semaine dernière, la préparation de notre intervention à Superpublic, mercredi soir, a pris beaucoup de temps et d’énergie à plusieurs d’entre nous, dont une bonne partie consacrée à faire de la reliance, et à refaire ce qui avait déjà été fait, alors qu’il aurait suffi de se faire vraiment confiance.
Cette question des prises de parole nourrit d’ailleurs chez moi une interrogation forte sur celles que nous faisons et leur bien-fondé.
Il me semble d’une part que cela nous prend beaucoup de temps et d’énergie et d’autre part que nous tournons souvent en circuit fermé, dans un milieu qui est toujours le même où nous n’élargissons pas notre audience, ce qui est pourtant, je crois, le but premier de ce genre d’intervention.
Aussi, je me demande si nous ne devrions pas être plus sélectifs dans nos prises de parole et nous imposer une forme de diète, n’allant que dans les endroits où nous pourrions toucher de nouveaux publics en sortant du cercle confiné des civitech parisiennes.
J’y vois un parallèle avec les mondanités auxquelles nous sommes régulièrement invités chez des ministres ou à l’Assemblée nationale, invitations que #MAVOIX décline systématiquement. Nous n’avons pas vocation à servir de caution à tel ministre, voire au Président de la République. Nous n’avons pas vocation à conseiller ceux qui ont échoué à faire de la démocratie un outil de vivre ensemble et contribuent, chaque jour un peu plus, à fragmenter la société française pour des raisons de marketing électoral. Nous assumons le fait que notre chemin soit différent du leur.
D’abord, nous n’avons pas le temps pour ces mondanités. De même, il me semble de plus en plus que nous n’avons plus de temps à consacrer à ces colloques et autres conférences quand ils tournent aux mondanités autosatisfaites quand ce n’est pas à la leçon universitaire.
Nous devons nous concentrer à 200 % sur notre mission : faire naître l’expérience que nous avons choisi de créer avec les citoyennes et les citoyens, à partir d’une page blanche.
Pour revenir à la question des règles de non collision et de la vision, j’aurais des dizaines d’exemples de décisions prises pendant la campagne avec les strasbourgeois.es. Et je crois pouvoir le dire sans trop me tromper, ça a plutôt bien marché, quoi qu’en disent certains, vu de Paris.
Et pourquoi, cela a t-il bien marché ?
Justement car nous avions un fonctionnement qui respectait une certaine forme de règles de non collision où chacun savait à peu près ce qu’il avait à faire, où nous nous parlions régulièrement pour savoir où chacun en était et surtout où la confiance réciproque était de mise.
Et pourtant, même si ça ne s’est pas forcément vu, il nous est arrivé régulièrement d’affronter des moments délicats pendant la campagne, comme de vivre de petites tensions entre nous.
Comment les avons-nous gérés ? Très simplement en fait : quand on est concertés sur l’action, qu’il faut faire, on construit la confiance par la preuve - ce que nous faisons ensemble – et par l’échange – « je regarde où est mon voisin et j’adapte ma vitesse »
Et puis sans doute que ce que nous avons réussi à Strasbourg mieux qu’à Paris, c’est de partager nos compétences et d’accepter que nous n’avions pas tous et toutes les mêmes.
Certains sont doués pour la communication, d’autres connaissent bien les règles électorales, certains ont des talents pour la facilitation ou l’organisation etc. C’est ce qui fait notre force.
Arrêtons de croire que sous prétexte que #MAVOIX est #MAVOIX, nous devrions tous être sur un pied d’égalité. Ça n’existe pas et c’est nous tirer une balle dans le pied que de faire comme si cela pouvait être le cas.
Assumons nos différences, assumons nos talents ! C’est aussi ça que veut dire la phrase « nous sommes celles et ceux que nous attendions ». Que chacun.e assume sa puissance et la reconnaisse dans l’autre, plutôt que d’en faire un motif de questionnement de sa légitimité.
Oui, si Quitterie n’en avait pas eu l’idée, #MAVOIX n’existerait sans doute pas !
Oui, si Guillaume n’avait pas réalisé cette incroyable vidéo des bouches, toutes ces personnes qui sont venues à nous sur cette base auraient sans doute eu beaucoup plus de mal à nous trouver.
Oui, si Sly ne s’était pas occupé du blog avec une telle constance et une telle efficacité, nous n’aurions pas eu une si belle vitrine.
Oui, si Jeff n’avait pas fait le premier hangout direct avec des strasbourgeois, le groupe local ne se serait pas constitué.
Oui, si je ne nous avais pas préparés collectivement dès janvier à une candidature à une législative partielle, nous n’aurions pas fait Strasbourg.
Oui, cette campagne n’aurait pas existé si Marc n’en avait pas été la formidable cheville ouvrière.
Oui, si Mélanie n’avait pas eu l’idée du miroir, si Quitterie ne l’avait pas portée à chaque étape depuis plusieurs mois, et si Claire n’avait pas si magnifiquement donné vie au concept de cette affiche, notre campagne n’aurait pas eu un tel succès.
Oui, si Manuel, Evy, Maria et d’autres ne s’étaient pas autant investis dans les MOOC, ils n’auraient pas existé.
Oui si Adeline n’avait pas si joliment facilité la journée du 16 avril à Strasbourg, l’ambiance en aurait sans doute été différente.
Oui, sans le talent de Bernard pour échanger avec les passants, la campagne de rue devant les panneaux et son écho sur les réseaux auraient sans doute été différents.
Oui, si Valentin et Jean-Marc n’étaient pas aussi investi depuis de longs mois sur le chantier plateforme celui-ci n’aurait pas fait les progrès que nous lui connaissons.
Oui, si Janique ne s’était pas occupée d’inviter d’inviter Dominique Cardon, nous n’aurions pas eu cette chouette soirée de débat avec lui.
Oui, si Manon n’avait pas pris à bras le corps le traitement des dizaines de mails restés en souffrance dans la boîte mavoix pendant la campagne, ils y seraient encore !
Et je pourrais multiplier les exemples à l’infini !
Soyons en fiers ! C’est ce qui fait #MAVOIX. Ce n’est pas possible de théoriser que #MAVOIX c’est partir de notre singularité pour construire le nous et de faire l’inverse dans les faits.
MAVOIX c’est chacun.e de nous individuellement et collectivement, dans un équilibre où, s’il n’y a pas de personnification, il est impossible d’espérer que pas une tête ne dépasse. Nous sommes #MAVOIX, chacun.e et tous.
Je pense que maintenant que #MAVOIX est définitivement inscrite dans le paysage, grâce à Strasbourg, il est temps pour nous de passer à l’étape suivante, celle du déploiement sur le territoire.
Ce que nous avons cherché à faire depuis un an en faisant connaître #MAVOIX puis en la confrontant au réel est aujourd’hui un premier acquis. Personne ne pourra plus nous l’enlever. D’une certaine façon, osons nous dire que nous avons fait l’histoire et que nous pouvons en être fiers !
Ne passons pas trop de temps à nous questionner sur les outils ou l’organisation, l’inefficacité de leur recherche est bien souvent le meilleur contrexemple de la recherche d’efficacité.
En nous concentrant sur l’action et le déploiement des groupes locaux, chacun.e, fera son expérience, construira son propre parcours initiatique et fera avancer le collectif. Nous toucherons d’autres publics, inventerons de nouvelles modalités d’action et d’échange, nous confronterons à de nouvelles questions, de la même manière que Strasbourg a été pour nous une source d’enrichissement à nulle autre pareille.
Partageons nos expériences, ne nous marchons pas sur les pieds les uns des autres mais surtout ne passons pas trop de temps à nous regarder le nombril. La direction, nous la connaissons. Nous avons tant à faire pour atteindre notre destination.
Pour moi, la leçon de ces quelques semaines est là : nous organisons à La Rochelle une première réunion locale jeudi 16 juin.
Voilà un peu l’état de mes réflexions et de mes projets pour faire vivre #MAVOIX à mon échelle. Et vous, que pensez-vous de l’avenir de #MAVOIX dans les semaines à venir et comment comptez-vous y contribuer ?