Je n’ai pas lu tout le fil. J’espère donc ne pas répéter quelque chose qui a déjà été dit.
Je voudrais argumenter en faveur de candidats locaux, d’un tirage au sort local.
Si un candidat mavoix est élu, il l’aura été contre toute attente.
Cela voudra dire que le groupe local aura fait un certain travail dans sa circonscription (de communication, d’argumentation, de mobilisation etc.). Mais cela voudra aussi dire (et peut-être surtout dire) que la population locale est en demande d’un renouveau démocratique. Cela voudra dire qu’il y a un terreau, dans un secteur déterminé, pour construire quelque chose de plus ample.
La population locale sera donc porteuse d’une force de rassemblement qui lui permettra, par la suite de : (ce sont des exemples, entre mille autres choses)
— Organiser des assemblées et des débats publics
— Réinvestir l’espace public
— Favoriser l’auto-organisation
— Créer une culture de l’auto-gouvernement
— Se soucier des difficultés psychologiques que requiert la démocratie (responsabilité, absence de transcendance, absence de figure « paternelle » type homme providentiel, participation, lenteur des décisions…)
— Influer sur le cours de futurs élections municipales
Mavoix est, à mon sens, une expérimentation qui veut réveiller la démocratie directe.
Mais en soi, c’est une expérimentation parfaitement insuffisante. Une plateforme numérique et un ou deux députés porte-voix (étant entendu que le système de représentation actuel ne laissera pas élire des députés mavoix sans réagir vivement entre les deux tours) sont des pis-aller.
La démocratie ne peut s’exercer qu’à échelle humaine (donc en local, à l’échelle d’une commune). Elle doit se baser sur un investissement en face à face, en présentiel (et non pas sur des forums en ligne). Elle n’existera qu’en s’appuyant sur un riche maillage associatif, sur une socialité vivante, sur une activité culturelle importante.
Donc si l’intérêt est avant tout d’allumer un petite flamme, de sortir l’idée de démocratie directe d’un soi disant « rêve » ou d’une « utopie », il faut pouvoir se projeter (ce qu’à mon goût mavoix ne fait pas suffisamment, voire pas du tout : et je trouve ça parfois dangereux, ou contradictoire).
D’accord pour dire que, dans le cadre de mavoix, indépendamment du reste, cela peut être indifférent d’avoir un candidat qui vienne de France ou de Navarre (puisque c’est une forme vide, un simple porte-voix, en théorie). D’accord pour confirmer cette évidence : un député n’est pas un élu local. Mais si la personne est élue, elle le sera malgré tout grâce à une réalité locale. Il sera donc par la suite peut-être plus intéressant de développer les organisations, les frémissements qui, sur place, ont permis de l’élire, que d’aller cliquer sur la plate forme.
En suivant cette idée, cela serait souhaitable que le ou les candidats puissent venir facilement dans la (ou les) circonscriptions, soutiennent des initiatives, ne serait-ce que les premiers mois, rendent compte en face-à-face de son expérience à l’assemblée, ne serait-ce que pour faire vivre ce qu’il se passera sur place.
Parce qu’il se passera forcément des trucs !
Que vous le vouliez ou non, il y a un lien symbolique qui se créera entre les votants et le candidat, un lien d’identification (« c’est nous Béziers 2, qui avons lancé le truc mavoix, la démocratie, ou alors « c’est nous Brive qui avons élu le type ou la femme, et ouais, ici on y croit à la démocratie » etc.
Il a été plusieurs fois répété : « pourquoi le candidat devrait aller faire coucou dans sa circonscription de temps en temps ? » Que ce ne soit pas obligatoire, c’est une chose. Mais en rayant cette possibilité, en insistant sur le caractère national, sur l’assemblée nationale (qui n’est pas une forme souhaitable pour la démocratie), mavoix donnera une étrange idée de sa « démocratie ». Une étrange idée de la finalité de son travail. Une démocratie au niveau « national » avec 4 millions de gens ou 20 millions, qui discutent sur un forum, c’est une idée creuse.
La démocratie a, au contraire, besoin d’ancrage, besoin de présence, besoin d’incarnations multiples, donc il serait utile de profiter de la possibilité qui existe (un député peut faire des permanences sur place) pour insister, symboliquement, sur l’importance de traduire un travail national en initiatives locales.
Et sur ça, si le député connait un peu sa région, je trouve que c’est un plus (au-delà de la question des transports et des logements, qui, malgré les réductions, est pénible)
A la limite, on peut dire que plus de députés seront élus, moins cela sera important de garder le lien entre candidat et région (s’il y en avait 260 députés mavoix par exemple, cela voudrait dire que le pays est bouillant de partout, prêt à modifier les institutions), mais ça n’arrivera pas.
La dépersonnalisation, c’est bien joli, mais il ne faut la pousser à l’extrême (pour certains, on a l’impression qu’un chien très bien dressé ou un robot pourrait tenir le rôle de porte-voix, ce qui est, dans le contexte actuel, scandaleux).
Scandaleux parce que la ou les personnes élues vont être terriblement mises sous pression.
Le TAS national et la répartition aléatoire permettent simplement d’éviter de mettre trop vite un visage sur le candidat (ce qui est bien). Elles permettent d’éviter qu’un candidat soit connu là où il se présente (ce qui est discutable : la démocratie doit s’associer à une forme de responsabilité).
Le TAS n’empêchera pas que le candidat, qu’il vienne de Bretagne ou de Tasmanie, devra assumer une responsabilité lourde.
Si un candidat mavoix est élu, il va devoir effectuer un travail. Ce travail, il ne va pas l’exécuter seul, et ceci d’autant moins qu’il sera moins expérimenté.
Cela me paraît intéressant, ou en tout cas, à réfléchir : qui l’accompagne ? Le groupe local ? Un groupe formé à l’échelle nationale ? Paris comme d’habitude ?
Etre député ne consiste pas simplement à faire acte de présence aux réunions de l’assemblée et à voter. Et ensuite d’aller dormir à l’hôtel ibis.
Il faut élire un président d’assemblée, participer ou recevoir la participation de commission, avec la possibilité de faire partie d’un bureau… Sous la pression des pairs, il faudra sans doute se renseigner de manière approfondie sur les dossiers. Assister aux débats, y participer ou non etc.
Sous couvert de la dépersonnalisation, on a l’impression de sentir une déresponsabilisation, un mépris de la réalité, et certaines confusions entre « horizontalité » et « virtualité » ou entre « horizontalité » et absence de rôle.
Le député mavoix ne sera pas un fantôme. Et, à mon avis, ce sera même tout le contraire.
La chose la plus évidente qui va peser sur la personne (et qui fait qu’il vaut mieux que ce ne soit pas « n’importe qui » qui soit tiré au sort) ce sont les médias, d’une part, et surtout (même si cela est lié) la pression oligarchique d’un milieu qui ne verra pas d’un bon œil cette intrusion. Or ça, ce n’est pas l’intégralité du collectif mavoix qui va le supporter. C’est principalement le député.
Tout ça pour dire que le lien géographique entre les votants et les candidats ne doit pas être pris à la légère.