Quelle place pour la démocratie délégative dans le futur de #MaVoix?

Bonjour à toutes et à tous,

Je découvre tout juste #MaVoix (première réunion locale hier soir) et j’hésite encore à m’impliquer dans le projet. Mon hésitation s’explique principalement par une tension que je ressens entre un fort intérêt envers l’objectif poursuivi (un corps législatif citoyen et non partisan) et certains doutes quant à l’idée directrice du projet en l’état actuel (un modèle de démocratie directe).

Bien qu’heureux de changer d’avis si les arguments sont convaincants, je fais encore partie de ceux restant sceptiques quant à l’idée d’une démocratie directe appliquée de façon systématique. Bien que certaines questions sociétales semblent parfaitement se prêter au choix direct des citoyens (ex: légalisation du cannabis), un nombre important de questions plus spécifiques s’y prêteraient à mon sens beaucoup moins (ex: la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de developpement et de solidarite internationale).

J’ai pris l’exemple de la loi relative à notre politique d’aide au développement car c’est un domaine qui m’est familier (je travaille sur les questions d’aide au développement au Ministère des affaires étrangères). Et malgré ma proximité professionnelle avec les sujets traités dans cette loi, je constate que je ne suis pas compétent sur la plupart des questions abordées dans le texte. Je connais suffisamment ces problématiques pour en saisir la complexité mais insuffisamment pour en maitriser les subtilités. Qu’en serait-il donc d’un.e citoyen.ne peu familier.e avec ces questions?

C’est ce type de constat qui me pousse à questionner la pertinence d’un système de démocratie directe. Donc quelles alternatives à la démocratie représentative si la démocratie directe présente ses propres limites? Certains proposent une voie intermédiaire que beaucoup d’entre vous connaissent très probablement: la démocratie délégative (ou démocratie liquide). Pour ceux et celles qui ne seraient pas familiers avec le concept, voici la page wikipédia et une courte vidéo présentant le concept (3 min - en anglais).

Donc ma question est double: (i) est-il envisagé de progressivement faire évoluer #MaVoix d’un système de démocratie directe à un système de démocratie délégative?; et (ii) si oui, quelles modalités sont envisagées pour permettre aux membres du collectif de discuter de cette éventuelle transition et de s’accorder sur les modalités précises du nouveau système?

Je comprends que la démarche est expérimentale et qu’il est important d’avancer progressivement et de façon itérative. Et je comprends également parfaitement qu’il soit nécessaire de centrer la première étape du projet sur un objectif « simple » (faute d’un meilleur mot). Toutefois, les deux questions posées semblent à mon sens importantes à clarifier, surtout pour de nouveaux arrivants comme moi qui hésitent encore à s’impliquer.

Merci d’avance pour vos retours et un grand bravo à toutes et tous pour cette belle initiative!

Igor

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Bonjour @Igor,

Pour l’instant la démocratie directe me semble le plus proche de l’ADN de MAVOIX.
On va déjà voir (j’espère) ce que ça donne et pourquoi pas tester ensuite la démocratie liquide qui ne me semble pas opposé à l’ADN de MAVOIX. Hier soir pendant le Hangout Stephane nous a parlé du logiciel utilisé par le parti pirate pour faire de la démocratie liquide. Il avait relevé quelques lacunes donc on sait que ça existe, que c’est pas simple à mettre en place et qu’il faudra faire mieux que l’existant si on se lance dans la démocratie liquide. Rien n’est décidé et ce n’est clairement pas la priorité mais au moins la question est posée. Ce qui est top c’est qu’on a des membres du collectif qui ont déjà expérimenter cela ailleurs donc ça pourra aider pour établir les spec. Pour ce qui est des développeurs on a ce qu’il se fait de mieux dans la galaxie donc pas de soucis lol

A suivre…

Bonjour Igor,

Tes remarques sont tout à fait pertinentes, et sans l’avoir creusé plus que ça, j’apprécie moi aussi le concept de la démocratie liquide, que j’ai découvert avec Podemos.

Toutefois concernant Mavoix je pense que dans l’immédiat il sera impossible que le(s) député(e.s) potentiellement élu(e.s) puissent donner leur avis sur toutes les lois qui passeront au Parlement (quand on sait que des lois sont votées à toute heure du jour ou de la nuit…), donc par définition les citoyens eux-mêmes n’auront pas à donner leur avis sur toutes les lois.

Par contre, il serait intéressant que la plupart des lois qui passent en séance soient relayées sur le site internet, et les propositions de loi qui recueilleraient le plus d’approbation (= « en tant que citoyen j’ai envie de donner mon avis sur cette loi ») seraient ouvertes à un véritable vote, mais je ne sais pas si c’est possible. Cela permettrait dans un premier temps de concentrer nos efforts sur quelques lois de relative importance, de roder/d’expérimenter cette nouvelle façon de faire, de voir comment on pourrait organiser les débats, sans devenir complètement brouillon et se perdre dans une masse d’informations et de vote potentiel.

Mais tout ceci reste à réfléchir ensemble !

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Et j’ose espérer qu’on en laissera pas passer beaucoup des lois vu le nombre de bénévoles inscrit ici. On va monter des équipes de suivi en plus des nombreux portes voix élus ^^

Bonjour Ludovic/Johan,

Merci beaucoup pour vos réponses respectives!

Je comprends donc que l’idée de démocratie liquide a bien été envisagée mais qu’elle n’est pas considérée comme prioritaire pour l’instant. L’idée de se focaliser sur des objectifs ciblés dans un premier temps me semble tout à fait pertinente, ce qui permet d’être précis dans ses actions et d’éviter de se perdre dans des projections plus incertaines les unes que les autres.

Toutefois, il semble également essentiel de mener une réflexion de fond sur la vision de long terme que le collectif souhaiterait porter. Les deux démarches (focus sur des objectifs de court terme + réflexion de fond) ne me semblent pas contradictoires. Donc si certains d’entre vous mènent déjà ces réflexions et ont déjà bien avancé sur l’analyse des avantages et limites/barrières d’un système de démocratie liquide, je suis preneur de vos idées, références ou liens vers d’autres fils de discussion (internes ou externes).

Je vous laisse pour ma part cette présentation instructive donnée par deux membres de la Liquid Democracy Foundation à San Francisco (35 min - en anglais).

Enfin, sur la possibilité des députés de relayer l’avis des membres du collectif sur partie ou sur l’ensemble des projets de loi, c’est une autre question mais si je comprends correctement le concept de #MaVoix, le nombre de députés n’importe pas (au-delà d’un nombre permettant de refléter un résultat de façon proportionnelle). S’il y a un nombre qui importe c’est la taille du collectif (ainsi que sa diversité et son degré d’implication), un facteur qui déterminera le champ de lois sur lesquelles les députés (porteurs de voix) pourront se prononcer. La fonction des porteurs de voix se limiterait alors à : (i) être présent en séance au moment des votes; et (ii) relayer de façon propotionnelle le choix des membres du collectif.

Un système de démocratie liquide permettrait simplement d’organiser le canal décisionnel de façon à connecter les membres peu avertis du sujet en question avec ceux l’étant le plus et de connecter ces derniers aux porteurs de voix. A nouveau, plus le groupe sera large, divers et actif, plus le système sera en mesure de produire des décisions avisées et démocratiques sur un large champ de projets de loi.

Merci encore pour vos retours!

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C’est en effet fort intéressant!

Tout à fait! Pour préciser tout de même, je dirais
a) qu’il n’y a pas de préalable à cela à part d’arriver à se faire élire
b) que le collectif, ce n’est pas que ceux qui sont dans les réunions #MaVoix mais tous les citoyens ou habitants, pas seulement « nos » électeurs (avec des questions techniques et politiques pour savoir qui peut voter: utilisation de FranceConnect qui permet la sécurité et l’unicité du votant mais pas de garantir la nationalité).

Ce concept de démocratie liquide formalise des choses qui se sont dites (notamment @Sly) sur l’idée de donner procuration à quelqu’un (éventuellement pas sur tout mais thématique par thématique) pour se prononcer un peu plus sur tout.

Ici, on développerait cette idée pour avoir des délégués à qui on confie un nombre non limité de procurations avec une limitation notamment en thématiques et dans le temps.
Je pense que notamment des ONG ayant une action de plaidoyer (ex. Oxfam) pourraient ainsi recueillir des délégations de leurs sympathisants sur les thèmes qui leur sont chers (il y a la question formelle de la procuration-délégation à une personne morale: au pire on la donne au président ou au salarié spécialisé).

Un truc sympa serait la « procuration vérifiable »: le délégué doit émettre le vote pour ses mandants un certain temps avant la fin du vote (temps court vu que le temps de vote est lui-même souvent court, à exprimer en fonction de ce délai: le quart par exemple), le mandant citoyen de base a la possibilité de connaître ce que son délégué a décidé en son nom et de reprendre la main ponctuellement voire révoquer la délégation si la décision prévue ne lui convient pas.

Le risque peut toutefois être de donner lieu à des pressions, des constitutions de mauvais lobbies (c’est comme les bons et mauvais chasseurs :wink: ). Il faut au moins interdire la délégation à ses supérieurs hiérarchiques au travail.

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Bonjour @Igor

Pour un 1er message, je trouve que tu as brillamment tout compris et résumé (je suis admiratif !)

Voici le document qui m’a permis de me documenter sur la démocratie liquide. Il a été utilisé par d’autres au sein de #MAVOIX. Les commentaires sont particulièrement instructifs.

Le collectif fait la proposition d’une expérimentation de la démocratie directe limitée à des modalités applicables aussi bien au niveau de l’institution que de sa mise en œuvre. Nous ne prétendons pas qu’il s’agit de la solution la plus aboutie mais seulement d’un point de départ.

Dès lors que la 1ere étape sera franchie, rien n’empêche cependant de l’envisager, tu as tout à fait raison. Il y aura de nouvelles contraintes (nettement plus importantes), notamment liées à la plateforme de vote.

Il y a quand même des points soulevés dans les messages précédents qui me semblent à relativiser. On sait, par exemple que :

  • Les députés ne votent pas eux-même l’ensemble des lois.
    Donc on ne fera pas « moins bien » en laissant les citoyens voter sur ce qui les intéressent.
    Les députés ne sont pas non plus élu au regard de leur compétence à comprendre les enjeux d’une loi.
  • On sait aussi qu’il suffit de peu de temps pour qu’un citoyen volontaire devienne aussi expert qu’un « sachant ».
    Le débat publique devra donc permettre de nous éduquer. (mais c’est l’objet d’une autre réflexion).

Pour résumer mon avis, tu es beaucoup plus humble que nos députés actuels.

Igor,
Je peux répondre sur un point qui me,tient particulièrement à coeur: l’expertise citoyenne, au moins à l’une de tes interrogations.J’ai observé une quarantaine de mouvements citoyens et je fais partie d’un certain nombre d’entre eux.

Actuellement le rejet de la politique s’exprime en termes simples, je cite une phrase entendue tout à l’heure « Ils n’ont pas été capables de gouverner ». C’est une France « verticale » que les différentes approches de la démocratie rejettent, car finalement incapable d’avoir trouvé des solutions et d’avoir une vision à long terme…

  • Les gouvernants croulent sous les experts dans tous les domaines et pourtant ils n’ont saisi ni la mutation en cours, ni les attentes du « terrain »
  • La justice est composée d’experts du droit et des lois, et pourtant elle dysfonctionne un maximum et le « déluge législatif » est critiqué par tous. Etc.

Un élu #MaVoix, s’il veut approfondir un sujet a accès à un mode de fonctionnement en réseau qui lui permet d’interroger une communuauté sur des sujets précis et de ne pas pas être seul avec un assistant parlementaire. D’autre part c’est un porte-parole de l’opinion « des gens ». La plateforme développée permet une écoute des « gens » et leur vote « parlera ».
De toute façon les députés « classiques » n’ont jamais été des experts en tout, ils ont développé un domaine de compétence. Mais justement, ils l’ont fait de façon isolée et se contentent d’interroger « les experts » du domaine sans jamais interroger « les gens » (j’ai des témoignages) et leurs véritables demandes, leur bon sens aussi.

On peut aussi envisager de travailler avec des députés « classiques » conscients de cette demande du terrain (comme Parlement & Citoyens l’a initié).
Bon, encore bcp à dire …mais d’autres te répondront
Sur les différentes formes de démocratie : http://www.leblogdelamenagere.info/

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