Le mot utopie est souvent utilisé dans la communication de mavoix, dans les groupes locaux ou sur le forum.
Je voudrais faire un point rapide sur le terme, parce que, personnellement, je ne l’aime pas, je trouve qu’il peut nous desservir et qu’il n’est pas forcément utilisé à bon escient.
Les utopies sont, à l’origine, des exercices de fiction, des œuvres qui décrivent un type de société idéale.
La première utopie, et peut-être la plus célèbre, se trouve dans la République de Platon. Parmi les plus connues on trouve celles de Thomas More (L’utopie), de Campanella (La cité du soleil), Cabet (Icarie), Fourier (Phalanstère) ou Saint-Simon.
Ces œuvres ont toutes quelque chose en commun. Les sociétés qu’elles décrivent sont réglées au millimètre pour assurer le bonheur des hommes. Elles sont harmonieuses. Elles sont discrètement autoritaires et ont une visée totale. Elles tolèrent très mal ce qui est étranger ou ce qui perturbe l’ordre imaginé. Ces « lieux qui n’existent pas » sont parfois glacials. Elles répondent souvent à une idéologie précise. Le meilleur des mondes d’Huxley en a fait une espèce de parodie, et aussi une critique.
L’usage du terme utopie s’est déplacé. Il n’est plus tout à fait associé à cette pratique. Mais dans le sens commun, il n’est pas synonyme d’imagination. Il est associé au rêve, au fantasme, à quelque chose de déconnecté du réel, et il n’est pas rare qu’il soit rattaché à quelque chose de péjoratif, voire, politiquement, à un gauchisme de classe moyenne étendue (« Rêve Général » était un slogan de 68), un truc de petit-bourgeois, de gens qui ne savent pas ce que c’est que « la vraie vie ».
Les autoroutes, les poubelles, le téléphone, la sécurité sociale, le chauffage central, les romans de science fiction n’existaient pas au VIIIè siècle. Si on avait parlé d’hélicoptère, de société de consommation, de Vidéo à la demande ou du parti animaliste à cette époque, la majorité des gens nous auraient pris pour des fous, des débiles, des imbéciles. Mais cela n’a pas empêché de voir toutes ces choses advenir, pour le meilleur et pour le pire.
Les civilisations ne cessent pas de créer des choses qui n’existent pas. Et ces choses nous les imaginons avant de les créer.
L’homme est un être d’imagination. Il crée (des techniques, des œuvres, des systèmes politiques ou économiques, des éléments de mœurs quotidiennes, de la culture, des éléments de langage etc) en permanence. Cette création n’est pas forcément bonne. Elle n’est pas forcément souhaitable. Peu importe. Elle existe.
C’est une évidence qu’il est facile de démontrer par l’histoire de n’importe quel domaine.
Mais les autoroutes, les poubelles et la vidéo à la demande ne sont pas des utopies et ne l’ont jamais été, ni au moment où elles n’existaient pas, ni après.
Donc imaginer quelque chose qui n’existe pas, que ce soit au niveau politique, technique ou autre, ce n’est pas forcément rêver d’utopie. Et surtout pas si s’attache au sens originel.
On peut dire fiction, projection, créations imaginaires. Mais utopie, c’est non seulement restrictif et connoté, mais souvent peu pertinent (et parfois un peu cul cul).
Mavoix essaye d’imaginer un système politique différent. Les hommes font en permanence advenir à l’existence des choses qui n’existaient pas auparavant.
La démocratie n’est pas une idée nouvelle. Elle a déjà existé. Il n’y a rien de fantasmatique, de délirant, d’idéal, de rêveur ou d’idiot à l’imaginer existant dans quelques années. Pas plus que d’imaginer ce qui a existé en URSS sous Staline ou d’imaginer ce sur quoi repose notre société de consommation actuelle qui, d’un certain point de vue, est parfaitement irrationnel.
Pas besoin d’utiliser le mot confus d’utopie pour tout ça.