L'individu et le vote : pouvoir changer d'avis en conscience

Il existe de rares moments où la lecture d’un texte d’opinion, l’écoute d’une analyse, vous font prendre conscience de l’absurdité d’une « évidence » que vous n’aviez jamais questionné jusque la. C’est ce qui m’est arrivé lorsque j’ai lu l’excellent billet sur l’entre deux tours présidentiel de Frédérick Lordon : http://blog.mondediplo.net/2017-05-03-De-la-prise-d-otages

Je résume une partie de son analyse : il fustige les média et les diverses personnalités qui osent juger ceux qui auraient décidé de voter blanc, de s’abstenir ou pire, de voter Marine. « L’injonction hystérique mêlée d’hypocrisie » à faire barrage au fascisme, de ceux-la même qui sont les causes de la montée du FN et qui prennent clairement en otage les millions d’électeurs qui ne sont pas satisfait par les règles institutionnelles qui leur imposent ce choix. Et viens ensuite ce qui m’a réveillé : « le vote [institué] comme pratique atomisante, condamnant les individus à l’insignifiance microscopique, pour leur faire porter ensuite, séparément, la responsabilité d’un résultat macroscopique ». « Le désir de dépasser cette condition par l’action coordonnée ne trouvera jamais aucune réponse dans l’isoloir ». Et boum… la claque.

En effet, j’ai toujours pensé que l’aboutissement d’une démocratie « réussie », comme ce que nous essayons de faire à MaVoix, était dans l’institution de plus de vote. Qu’on me demande mon avis, à moi, citoyen politisé et pas plus idiot que nos professionnels de la politique, sur un maximum de choses. Et évidement, que ce qui me soit offert, soit généralisé à l’ensemble des citoyens qui souhaitent s’exprimer sur telle ou telle question. Bref, tout le monde peut voter, tout le temps et sur tout. Pas faux mais…

Mais tout ceux qui s’intéressent de près à la question du vote, savent très bien que la manière dont on vote, l’algorithme utilisé pour choisir l’opinion « gagnante », est d’une extrême importance. Alors on cherche d’autres manières de voter : méthode de Condorcet, jugement majoritaire… pour pallier aux problèmes du scrutin majoritaire à 2 tours. Réflexions intéressantes, cruciales même, mais… insuffisantes !

Car peu importe le système de vote mis en place, il reste un système de vote individualiste où le votant est seul face à sa conscience, où il agit sans construire ou utiliser une intelligence collective. Il ne peut que supputer, en tant qu’agent individuel, ce que les autres pensent et établir sa stratégie électorale en fonction de cette analyse parcellaire, bancale, hasardeuse…

Prenons un exemple concret. Pour un électeur de gauche (que je suis), l’idéal de résultat pour le second tour, aurait été que Macron batte Marine, mais avec une belle marge et avec le plus de blancs possible. Un résultats à 95% Macron, 5% Marine, mais sur seulement 10% des votes exprimés et donc, 90% de blancs… voilà ce qui m’aurait « satisfait » (vis à vis du scrutin proposé). Mais que puis-je faire en tant qu’individu isolé, contraint à une action individuelle et sans connaissance précise sur la stratégie employée par les autres acteurs ? Par l’acte du vote aveugle et individuel, nous perdons la possibilité d’établir une intelligence collective, une concertation.

Et c’est comme ça pour beaucoup d’exemples.

Que celui qui a voté au premier tour de ces élections présidentielles en fonction de ses convictions profondes et non en fonction d’un calcul savant de probabilité de victoire, basé sur des estimations sondagières (plus ou moins pertinentes) me jette la première pierre.

Du coup, j’en viens (enfin), à ma proposition : pourquoi est-ce qu’on ne pourrait pas construire le vote d’une manière plus fluide ? Plutôt que d’isoler le votant à un instant t, sans regard sur l’état de la pensée collective, essayons de voter différemment. Je propose que les résultats d’un vote soient connus en temps réel et que les votants puissent modifier la valeur de leur propre vote, au fur et à mesure que se dessine la pensée de toutes et tous. Le résultat final et global étant, dans l’idéal, l’instant où les opinions se sont figées. Dans la réalité concrete et à cause de la finitude des choses, et bien… on peut toujours fixer une deadline (par exemple, le jour où la loi est votée par nos députés augmentés).

Alors certes, dans de nombreux cas, peu m’importe l’avis des gens. Personne ne fera voter POUR la peine de mort (vu qu’on aime bien cet exemple ;-))… mais la proposition que je fait n’empêchera pas ça. Ce n’est pas parce que je peux changer d’avis que je le ferais.

Et je terminerais par un exemple où ce système est déjà un peu en place et me semble très bien marcher. Dans mon travail d’informaticien, on doit régulièrement interroger de manière collective la complexité d’une tâche à effectuer. Pour faire ça, on vote tous ensemble 1, 2 ou 3 puis on regarde le résultat et on s’interroge collectivement : - Pourquoi t’a voté 2, moi je voyais plus 1 ? - Parce qu’il y a ceci et cela à prendre en compte. - A oui, tu as raisons, du coup je vote plutôt 2…
Le résultat du vote est donc co-construit.

Il me semble évident qu’un tel système de vote ne peut pas être mis en place, dans le cadre d’élections nationales « physiques » (avec isoloir, urnes…), mais je ne pense pas qu’il y ai de blocage technique dans le cadre d’un vote en-ligne via cocorico (@Jean-Marc_Le_Roux tu confirmes ?).

Dites moi ce que vous pensez de tout ça.

Je ne te jette pas la pierre mais j’ai voté par convictions au premier tour. Convictions au pluriel car j’étais en accord avec les idées principales du programme (j’ai étudié beaucoup de programmes à cette occasion) et deuxièmement il s’agissait d’un « petit » candidat donc je n’étais pas dans une logique de vote « utile ».
Je soutient comme toi les modes de scrutin majoritaire et de Condorcet randomisé qui permettent d’annuler l’effet vote « utile » donc logiquement (enfin dans mon esprit) je ne vote plus jamais « utile ». En fait j’essaie de donner du sens, d’assumer ou de projeter mes convictions, je ne sais pas trop comment l’expliquer.
De même au deuxième tour j’ai voté blanc car une mesure phare, essentielle, évidente selon moi serait la reconnaissance complète du vote blanc. Donc je fais sauter la case « utile » et j’y vais avec conviction.

Pour en revenir à nos moutons, les lois cette foi-ci, je ne perçoit pas la notion d’utile ou pas utile. En tout cas pas au sens tactiques politiciennes tordues.

Je pourrai changer d’avis c’est certain, mais grâce au débat, pas aux autres votes. Le fait de savoir ce que les autres votent pourrait au mieux m’inciter à voter mais ne pourrait pas me faire changer d’avis. Je préfèrerais être le seul à voter CONTRE si je suis convaincu que c’est le bon vote pour notre société plutôt que voter POUR comme tout le monde mais ne pas savoir expliquer pourquoi. De même si je ne comprends vraiment pas ceux qui soutiennent le texte ni ceux qui le dénigre (ça voudra surement dire que cette loi ne sert à rien dans mon esprit) alors je voterai abstention, même si 95% vote POUR ou CONTRE.

Alors qu’est ce qu’il vaut mieux faire ?

  • Favoriser le débat dans tout les cas.
  • Rendre publique les votes pendant le débat ?
  • Rendre publique la participation uniquement ?
  • Obliger une inscription au vote avant une certaine date pour favoriser une meilleur conscientisation du texte de loi ? On évite les votes à l’arrache de dernière minute.
  • Interdire le vote avant une certaine date pour la même raison que précédemment ?

Est-ce que le fait de devoir s’inscrire à l’avance pourra être gérer par la plateforme facilement ?
Est-ce que le fait de réduire la période de vote pourra générer des économies de serveur ?

On continue le débat.

L’important c’est la vie de l’espace public (et c’est une vaste question)

En me promenant les veilles des élections, dans les rues, j’étais très étonné de voir qu’on allait élire un président. Il n’y avait rien, ou presque. On aurait pu espérer que les gens se réunissent. Dans les parcs, sur les places, sur les quais, dans les cafés etc. Qu’ils s’alpaguent, qu’ils argumentent, qu’ils dialoguent. Tu parles.

L’espace public, c’est les médias, et c’est presque tout. C’est avec eux qu’on dialogue. On attend le journal, les nouvelles, le 20h, le sondage, la dernière vidéo sur la chaine youtube etc. Et puis on rumine, en ayant l’impression de participer à un truc. Si on cause à ses voisins ou à ses amis du sujet, on est déjà hors norme.

Le fait de connaître les votes des autres, à part recréer le mimétisme morbide des sondages, qu’est-ce que cela va permettre ?

Cela ne peut avoir un intérêt que dans un groupe où l’on peut dialoguer avec les gens (pour, justement, savoir pourquoi ils votent ça ou ça) : tu reviens à la question de l’espace public.

Tu n’as plus qu’à créer des applications pour te mettre en lien avec des gens qui votent différemment de toi pour confronter des points de vue (ou avec des gens d’accord pour renforcer tes arguments). Le nom de l’appli : « dézacor » ou « Konvinmoi »

Mais sans espace public concomitant, ça tournera en eau de boudin. Les gens utiliseront l’appli comme un tinder politique : de manière très « privée », et sans compenser l’impression d’être « perdu dans la masse ».

Au lieu du match, t’auras l’avis politique.

D’ailleurs, ça manque ça, sur les applications de rencontres : les opinions politiques.

Ce que tu as fait au premier et au second tour, j’aurais aimé pouvoir le faire. Et nombreux on fait comme toi. Mais nombreux aussi sont ceux qui ont agis comme moi. Le fait est qu’il n’y a pas de règle, pas de décision individuelle qui ne soit à mes yeux rationnelle. Nous avons certainement des objectifs communs, simplement pas les mêmes stratégies ou priorités. Et si tu penses ne pas voter « utile », en fait c’est aussi exactement ton cas. Un utile plus long terme (reconnaissance du vote blanc), ou plus étique, mais avec un objectif tout de même.

Et quand on a un objectif, il faut des outils et des moyens pour le réaliser. Le fait est que, bien sûr le débat est plus important que le vote. Mais niveau outils, on est pas gâté à ce niveau la, et j’en sais quelque chose, je travaille à l’améliorer. A l’échelle de MaVoix, nous ne pouvons que difficilement aider dans ce domaine. Le sujet est incroyablement complexe et, soyons réalistes, nous devrons utiliser tous les canaux de communication connus pour favoriser le débat, mais nous n’aurons pas beaucoup la main sur la création de nouveau moyens, pendant un moment.

Le fait est que si toi, personnellement, tu ne penses pas prendre en compte un simple décompte de score, cela reste qu’un outil de plus pour mieux avancer collectivement. Un outil facultatif qui dans certain cas pourra être utile, si on le souhaite. Et c’est facilement réalisable. Donc pourquoi s’en priver ?

Et sinon, très bien tes propositions, j’approuve !

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Le fait de connaître les votes des autres ça n’aura absolument aucun impact sur notre possibilité à investir l’espace public, à communiquer entre nous, à dialoguer. Je ne connais pas les solutions à ces problèmes, mais ça ne va pas empirer parce que nous rendons public des votes. Ensuite, le fait que tu ai une vision statistique des choses (on garde l’anonymat du vote), fait qu’à mon avis, si tu veux pouvoir faire quelque chose de cette donnée, ça va justement te pousser à communiquer dessus. Pour appuyer cela, lis donc l’article de Lordon (l’encart en rouge à la fin). Il y explique à un moment que les logiques spéculaires (cad voter en fonction du vote des autres) c’est une manière de recréer de l’action coordonnée. De collectiviser cette puissance individuel. Pas vraiment morbide à mon avis.

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Fort intéressant!

La question fondamentale que met en lumière notamment l’encart de l’article, c’est que le vote est un outil pour une décision collective, ce qui est quelque peu en contradiction avec le vote personnel et secret (à l’isoloir) qui en fait une somme de décisions individuelles prises en conscience.

Au niveau du débat, ça se voit effectivement lors du temps de réflexion du samedi pré-électoral: ce qui est induit par le vote personnel, c’est que la décision se prend en conscience, c’est-à-dire en débattant avec soi-même (en se repassant les arguments qu’on connaît, en en ayant pris connaissance dans « les media » de façon large, y compris l’accès médiatique direct des candidats: spots, professions de foi) et non avec les autres.

La raison du vote individuel et anonyme n’est toutefois pas à perdre de vue: il s’agit d’éviter les pressions, en particulier les achats de voix, les chantages à l’embauche ou au licenciement ou la crainte de se fâcher avec ses proches…
Souvent ceci dit, les proches savent ce qu’on vote (par extension, les maires de petites communes savent souvent qui a voté quoi) parce qu’en parlant, débattant, avec eux, on a lâché assez d’éléments pour leur permettre de le savoir (ou de le croire, plus exactement).

De plus, beaucoup de personnes hésitent à faire état de leurs opinions politiques ou même à dialoguer ouvertement avec des candidats parce que « la politique, c’est comme la religion, ce sont des choses qui fâchent et on ne parle pas des choses qui fâchent pour ne pas se fâcher ».
Une des raisons de voter est d’ailleurs de trancher un dissensus irréductible: la minorité ne cessera pas (totalement) de penser le contraire de la majorité mais on aura décidé (et la minorité aura perdu); le souci est que chaque vote peut créer un bout de minorité amer et revanchard.
( D’ailleurs, dans le cadre de rencontres, on demande plus facilement la religion que les opinions politiques (même s’il y a des sites spécialisés là-dessus). Aussi parce que la religion a des conséquences p.ex. sur les rites du mariage, alors que chacun peut garder son vote pour soi.)

Il y a des endroits où on ne recourt pas au vote secret comme moyen de décision:
-à MaVoix (attention, mise en abyme) où @ColinMaudry dirait qu’il n’y a pas de corps électoral défini puisqu’il n’y a pas de notion d’adhérent ou non (la notion de délimitation des participants a son importance: dans un milieu associatif, les adhérents adhèrent à l’asso comme elle est et cela limite les possibilités de renversement de cap) et @Quitterie que les décisions se mûrissent en avançant et sans trop de date butoir (dans le vote, le fait d’avoir une date butoir pour décider est important, c’est même une des raisons de recourir à un vote)
-dans beaucoup d’Assemblées Générales d’associations ou de grévistes. Pour une raison pratique: dépouiller 100 bulletins devant les 100 votants qui s’ennuient, c’est mortel :sleeping: . Mais aussi parce que c’est un moyen d’entraîner et dynamiser le collectif, surtout quand il vote quasi-unanimement. Souvent, d’ailleurs, ceux qui votent contre s’expliquent après coup alors que ça ne sert plus à rien mais qu’ils n’ont pas osé le dire avant…
Inversement, ceux qui n’aiment pas le collectif en question (surtout quand il s’agit de grévistes des transports en commun) viennent dire qu’il vaudrait mieux voter à bulletin secret, précisément pour que le collectif s’atomise plus facilement. Je dis ça comme une extension de l’article cité et ça me semble fort bien correspondre.

Pour revenir plus directement à la question:
le débat est de toute façon à plusieurs endroits: dans la société, dans les divers media et à l’Assemblée Nationale où ont lieu les débats officiels avant de voter.
Chronologiquement, il commence quand l’idée du projet commence à poindre (parfois des années avant, quand elle mûrit lentement dans la société civile) et n’est pas vraiment clos après le vote (à cause de la minorité qui voudrait abroger la nouvelle loi… et qui parfois y arrivera!)

Des pré-indications de vote viennent souvent par les sondages d’une part, par les consignes de vote des groupes parlementaires et déclarations des députés (« classiques ») d’autre part. Mais même quand le résultat se voit venir, reste le stress du vote: alors, ça passe ou pas? C’est quand on n’a aucune indication du cote des autres qu’on baigne dans le flou complet.
Sur une loi (ou un bout de loi), on n’a généralement que les 3 choix pour/ abstention / contre donc il y a moins de possibilités, c’est plus simple, que pour une élection avec une vingtaine de candidats (dont un des #campagneelectorale:candidats-mavoix au milieu parfois)

Le délai de vote entre le moment où on connaît le texte définitif et le vote solennel est souvent court, parfois moins de 48h.
Pas le temps de faire un vote en deux temps sur (exactement) la même question, donc.
Et avant, une condition essentielle n’est pas remplie: avant de répondre, il faut savoir quelle est exactement la question.
Ceci dit, il peut y avoir un pré-vote indicatif (et peut-être moins « bétonné » informatiquement puisque ça ne compte pas vraiment?) quelques jours avant, quand la version finale commence à se décider, parce que les votants qui changeraient d’avis en fonction des amendements sur le dernier article sont probablement rares (mais à prendre en compte pour le vrai vote).

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Merci pour ta réponse fort intéressante.
Les remarques que tu faits sur le vote individuel sont très pertinentes, tout comme celles sur les grévistes des transports et parfaitement en lien avec la problématique que je soulevais.

Maintenant, ce que je propose, n’est ni un vote à main levée, ni un simple sondage pré-vote.
Avec le vote informatique, il est tout à fait possible de compter en temps réel le résultat ET de garder l’anonymat de cette prise de décision.

Ensuite, j’imaginais plus le vote comme un processus continu, dont le résultat est fluctuant et visible par tous, plutôt que sous une forme « vote pour de rire, puis vrai vote ».
Avec un tel système, on pourrait parfaitement concevoir qu’à l’instant T, on fait un cliché du vote, pour dire à nos députés ce qu’ils doivent voter. Mais qu’on puisse tout de même continuer à voter ou modifier son propre vote… et ainsi, on pourrait se rendre compte qu’une décision collective qui a été prise à un moment, ben il est temps de revenir dessus, car la proportion des votes a significativement changé.

En sommes, faire du vote et de la prise de décision collective, un processus plus vivant, plus souple, plus… liquide.

Je vois ce que tu veux dire.

Il y a la question informatique et ce que ça implique derrière qui me rend réticent à l’idée mais il faut peut-être s’en détacher: le piège, c’est de laisser l’outil faire de la politique à notre place.
Même si parfois, il est tellement plus facile de faire de telle façon que de telle autre que ça joue: sur la faisabilité, le coût…

Pour expliciter la question informatique (@Jean-Marc_Le_Roux en parlerait mieux que moi, je crois), le système de vote prévu est fait pour être infalsifiable et vérifiable grâce à l’enregistrement dans la blockchain. En gros, on écrit le vote dans le marbre ou même sur une multitude de morceaux de marbre. Ces propriétés d’infalsifiabilité et de vérifiabilité sont importantes politiquement, pour la crédibilité du résultat. D’autre part, comme pour un vote à l’urne qui est en fait ce qu’on reproduit, on n’a le résultat qu’à la fin d’une phase de dépouillement.

Le souci par rapport à la suggestion d’ici, c’est que justement on ne peut pas réécrire le vote.
Or, pour pouvoir refaire son vote en connaissant le résultat général provisoire, il faut (les deux points ne sont pas impérativement liés même si ce ne serait pas rien de n’en garder qu’un):

  • d’une part, pour connaître le résultat général provisoire, dépouiller le vote en continu (cas des petits votes qu’on voit sur des sites ou des forums, souvent accessibles sans inscription, p.ex. sur le site de presse lepoint.fr ) ou en semi-continu, par exemple en mettant l’affichage à jour tous les 10 ou 100 votes pour mieux préserver le secret du vote: si mon voisin me dit qu’il a voté et que c’était à une heure très calme, je sais ce qu’il a voté: il y a une voix de plus pour le « pour » par rapport à tout à l’heure… inversement, plus il y a de flux, plus c’est anonyme (un peu comme dans le métro).

-d’autre part, pouvoir effacer et refaire son vote: il me semble que ça suppose forcément que la plateforme garde un lien entre la personne / le compte et le fait qu’il a voté de telle façon. Pour pouvoir corriger un vote blanc en « pour », il faut aller effacer un blanc en ayant vérifié que le compte avait bien mis un blanc, puis rajouter un « pour » (ou le remplacer: de toute façon, une telle opération ne change pas le total des suffrages). En gros, le vote n’est plus gravé dans le marbre mais écrit à la craie ou au crayon.
Une variante serait de ne permettre qu’une poignée de changements et pas une infinité: tu as voté blanc, puis pour, puis contre… on va peut-être s’arrêter à un moment. Il y aurait là un côté pratique mais aussi une idée d’illégitimité du 3e/Nième changement d’avis. Bon, si le vote est définitif, c’est déjà considérer le premier changement d’avis comme illégitime. Et après tout, devoir dire « c’est mon dernier mot » a un côté responsabilisant - et reposant: on peut passer à autre chose.

Cependant, il y a bien un moment où le résultat provisoire compte plus qu’à d’autres et même définitivement: celui où on le prend pour le répartir entre nos députés (même fictivement si on n’en a pas), à temps pour qu’ils sachent quoi voter.

« Dépouiller » un peu en direct (même sans afficher le résultat pour tous ou pouvoir modifier son vote, d’ailleurs) permet d’être plus réactif et de laisser les votants se prononcer le plus tard possible, notamment si le vote est avancé ou retardé par rapport à l’heure prévue, dans une Assemblée où les débats ne sont pas rythmés sur la pendule. Vu qu’il y a un délai entre le vote de notre premier et de notre dernier député, on pourrait même imaginer adapter le résultat en direct compte tenu des premiers votes émis (définitivement, pour le coup) et de l’évolution du vote plateforme mais cela devient délicat…

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Aujourd’hui, tel que c’est implémenté, on peut déduire le résultat du scrutin en fonction des transactions réalisées sur la blockchain. Mais le but c’est que ça ne soit effectivement pas le cas pour éviter un quelconque biais de sélection.

Donc toute idée qui se base sur le fait d’avoir les résultats en temps réel va directement à l’encontre d’un scrutin sans biais.

Non. Mais dans le cas d’un vote oui/non/blanc, tu peux ajouter 2 votes avec les 2 valeurs que tu n’as pas voté à l’origine pour que l’impact de ton 1er vote soit neutralisée.

Les résultats seront faux en terme de nombre de bulletins, mais pas en proportion.

Ca suppose de pouvoir prouver la propriété d’un bulletin de vote oui.
C’est un problème à plusieurs niveaux.
La tendance serait plutôt aujourd’hui à s’en remettre à la fiabiblité intrinsèque de la blockchain et le fait de pouvoir l’auditer efficacement, plutôt que de fournir un système de « preuve de vote » qui pourrait être détourné.

L’idée de biais est à creuser. Mais effectivement, savoir le résultat partiel du vote en cours est, de la part de ceux qui le réclament, un biais délibéré puisque, à part les premiers, les votants se décident en connaissant la décision de la masse des votants précédents (quitte à ce que certains votent la même chose de toute façon).
( Dans les vrais scrutins généraux, ce biais existe via la publication de sondages en sortie des urnes par des sites de la presse étrangère: certains vont attendre le dernier moment et lire ces sites avant de voter. Mais c’est limité et officiellement interdit: la presse française n’a pas le droit)
L’intérêt politique éventuel étant, comme dit plus haut, de recréer un mouvement collectif (avoir une part de maîtrise sur le score) à partir de décisions individuelles restant individuellement à peu près secrètes.
En tous cas, ce n’est pas la première fois que des contributeurs sur le forum demandent des votes suivables en cours de route et il me semble clair que la question se pose (quitte à répondre non mais il faut vraiment argumenter).

J’aurais tendance à dire que c’est à expérimenter, quitte à bien séparer les choses.

Pour effacer ou écraser un vote, il faut donc bien connaître le premier ou précédent vote, c’est incontournable. Ainsi que le nombre de fois que la personne a voté. Sinon, en ayant la possibilité de voter plusieurs fois voire une infinité, la porte est ouverte au bourrage d’urne! Il faut faire attention à ce que la possibilité d’écraser un vote par des votes contraires n’aboutisse pas à celle de tripler son vote.
Connaître le précédent vote à ce que cette information ne soit pas stockée et réaccessible de la même façon: elle peut l’être dans le compte du votant, quitte à écrire la valeur du vote à deux endroits au moment où il est émis: une dans l’urne-blockchain où il est anonymisé et décomptable, l’autre dans l’isoloir-compte où il n’est pas anonyme mais où personne d’autre n’a besoin d’y accéder.
En gros, au moment de mettre le bulletin dans l’enveloppe, mon isoloir personnel garde mémoire de ce que j’ai mis. Le bulletin une fois dans l’urne (la blockchain), on peut concevoir de retourner dans l’isoloir, où on ne pourra remettre un bulletin dans l’enveloppe que si l’ensemble des valeurs déjà votées dans le même vote + la nouvelle respectent des règles faisant qu’une fois que j’ai annulé mon premier vote par d’autres votes contraires (peut-être obligatoirement simultanés dans certains cas), je peux enfin mettre mon bulletin modifié.
En généralisant, la règle définit, en fonction du nombre et de la valeur des votes précédents, la possibilité de voter encore pour telle valeur; elle ouvre ou coupe des branches dans l’arbre des possibles. Arbre dont on peut noter chaque embranchement avec le numéro du vote et la valeur du vote.
Cas particulier courant de l’existence d’une règle: la règle classique qui dit que si tu n’as pas voté, tu peux voter quand tu as voté, c’est fini, tu ne peux plus revoter, au revoir. Cette règle a la particularité de ne pas avoir besoin de la valeur d’un vote précédent: on peut, dans ce cas, l’oublier ou ne même pas le noter.
Les possibles se noteraient alors:
0 → 1 pour; fin
0 → 1 blanc; fin
0 → 1 contre; fin
Dès qu’on se donne la possibilité d’enregistrer un tableau des votes précédents, les possibilités de règles sont plus vastes et il faut les définir (ce qui est une décision politique).

Sur les valeurs: on est dans un système ternaire avec un pour qui vaudrait +1, un contre -1 et un blanc qui ne vaut pas forcément 0: voter blanc, c’est faire un chèque en blanc, en maugréant certes, au résultat donné par les autres (du moins tant qu’il n’existe pas de cas « victoire des blancs » où ni « pour » ni « contre » ne gagneraient). Le tout avec un système de répartition proportionnelle derrière qui compte tous les bulletins.
Pour écraser un pour, il faut en fait juste un contre et vice versa. Pas de blanc, sinon on en augmente la proportion et potentiellement les sièges si on est dans le cas d’un vote où la « vraie » proportion de « vrais » blancs est faible parce que la plupart des votants ont un avis tranché pour ou contre.
Pour écraser un blanc, il faut un pour + un contre, ou vice-versa mais sans s’arrêter après l’un des deux (sinon: un blanc + un pour = j’ai voté deux fois pour mettre les contre en archi-minorité! tricherie!?). Et en fait, vu que la valeur du blanc n’est pas exactement 0 et qu’elle dépendra in fine aussi du vote des députés non-mavoixiens, ce blanc n’est pas complètement écrasé, c’est un problème (on peut faire l’approximation de dire que le blanc est bien écrasé)…

Bref, on tombe vite dans des problématiques assez redoutables si on veut appliquer certaines suggestions, on peut donc considérer que ce n’est pas prioritaire (quitte à prévoir l’existence de règles complexes quelque part), ce qui n’empêche pas de réfléchir à des problématiques comme l’isolement induit par le vote secret…