Democratie 3.0 - la politique + technologie de demain

Réflexions fort intéressantes avec une assez juste dose de subjectivité.

La monopolisation du débat sur certains sujets: le terrorisme, les manquements à l’éthique… nuit aux débats sur les autres sujets.

Le souci, c’est qu’à l’occasion de la présidentielle puis des législatives, on évoque tous les sujets d’un coup tous les 5 ans, ce qui a tendance à être trop, on sature avant la fin et ça retombe…
Le « tous les sujets d’un coup » est lié au fait qu’on élit pour 5 ans qui vont avoir à décider de « tout »: avec le gouvernement qui découle du Président et de l’Assemblée Nationale, ils ont la main sur la plupart des strates de l’ordre juridique dans un Etat qui a une importance considérable dans la société.

Dans ces conditions, les personnalités comptent, les idées sur tous les sujets aussi: les élus feront ce qu’ils veulent (principe de l’absence de mandat impératif, autrement dit de chèque en blanc) mais on les choisit sur ce qu’ils ont l’air de vouloir et la façon qu’ils ont de réfléchir, réagir… qui comptera quand il faudra composer entre les idéaux et la réalité mouvante.

Quant aux programmes et promesses électorales, on déplore souvent les promesses électoralistes non tenues (« les promesses n’engagent que ceux qui les croient » Adolphe Thiers, XIXe siècle: on devrait le savoir… c’est d’ailleurs une autre expression du mandat non impératif) mais on oublie le piège inverse: le président lance une mesure qui déplaît mais argue qu’elle est légitime puisqu’elle était dans son programme sur lequel il a été élu (parmi des dizaines d’autres mais chut!), pas besoin donc de faire un grand débat ou un référendum, un simple vote parlementaire, d’une majorité en phase avec lui, suffira…

La démocratie plus directe comme on la propose à MaVoix permettrait de couper aux questions d’égos et au problème des programmes, qui est de se faire élire dessus (d’où surenchères démagogiques) et de mêler des mesures sympa qui ne seront pas appliquées et des pas sympa qui le seront.
En votant plus directement, une idée que certains jugeraient démagogique ou jouant sur de mauvais penchants pourrait certes être discutée mais ne servirait plus à porter ses promoteurs au pouvoir, on coupe le lien entre « mes idées sont adoptées » et « je suis le chef » mais celui qui veut promouvoir des idées pour la beauté du geste le peut toujours.
Par ailleurs, en se prononçant plus indépendamment sur chaque question, on évite de trop lier des questions qui n’ont un peu rien à voir, notamment des questions économiques d’une part et sociétales de l’autre (ex. « quel niveau pour le salaire minimum? » et « qui peut se marier avec qui? » dans l’espace politique existant, ces questions sont pourtant corrélées) et donc de « forcer » des choix artificiellement liés.
C’est d’autant plus important dans un espace politique où les opinions des citoyens sont très dispersées et où des candidats présidentiels n’arrivent à rassembler autour d’un électeur exprimé sur 5 qu’en bénéficiant de ralliements, d’effets collectifs d’agrégation (« vote utile ») sans totale adhésion. (sur les effets collectifs, voir le fil L'individu et le vote : pouvoir changer d'avis en conscience - #8 par LCM )

Cela peut convenir pour le législatif, même si pour un nombre certains de gens, cela va trop loin:
-besoin de déléguer plutôt que d’avoir à réfléchir à tout en détail par soi-même y compris sur des sujets où on ne sent pas assez compétent ni même en mesure de le devenir. Là, peut se poser la question de la possibilité de déléguer de façon limitée: sur un temps pas trop long, révocablement, sur certaines questions (différemment de la délégation pour 5 ans, irrévocable, pour tous les sujets), ce que qui correspond au concept de « démocratie liquide »
-besoin d’incarnation, d’avoir un interlocuteur (et en version négative, besoin d’un bouc émissaire pour se passer les nerfs)

Mais cela ne règle cependant pas la question de l’exécutif: ministres, président… où il faut des personnalités à la tête des administrations. Le critère d’une expérience pertinente semble intéressant.

La prise en compte du long terme peut se faire d’une part par la Constitution (pour poser des garde-fous, notamment environnementaux), d’autre part par des comités d’alerte ou des études d’impact. Quand on a imposé un numerus clausus en Médecine dans les années 70, on aurait ainsi dû penser que cela créerait des déserts médicaux 40 ans après…
Cette prise en compte peut aussi être améliorée par des débats sérieux, ce qui nécessite de prendre le temps de mûrir la décision (si ça impacte sur 40 ans, on peut bien prendre 4 ou même 40 mois pour en parler), par l’élévation du niveau d’études général surtout s’il est vraiment sérieux…

La qualité de l’information, de court et de long terme (actualité et décryptage) est un autre point important mais il est difficile de jouer dessus sans porter atteinte à la liberté de la presse.

Un point important là-dessus et plus largement est ce que j’appellerais la démocratie économique: qui détient le capital et les droits de vote dans les entreprises? ce qui influe au moins sur les décisions qui ne sont pas directement et uniquement prises par l’Etat…
Si la presse est aux mains de quelques milliardaires, c’est probablement un problème. Si la centrale à énergies renouvelables locale n’est pas majoritairement contrôlée par les collectivités locales et les habitants des environs, peut-être aussi? Etc?
Il y a donc une question de répartition, entre personnes, du capital (donc de l’épargne de long terme, plaçable sur 10, 20 ans…) et des droits de vote privés -et leur exercice effectif- dans les entreprises au sens large (dans une association ou une coopérative, c’est 1 personne = 1 voix, dans une entreprise classique 1 part/action = 1 voix généralement).
Et aussi l’effet de l’argent sur les décisions:

  • le fonctionnement des entreprises classiques entraîne de la ploutocratie (pouvoir des riches ou même de l’argent au sens où quel que soit détenteur, il a les mêmes intérêts, finalement ce sont des euros d’épargne qui cherchent le meilleur taux de placement) voire de l’oligarchie si les richesses sont concentrées.
    -l’électeur fonctionne souvent comme actionnaire de l’entreprise-pays, cherchant à choisir les décisions politiques qui amèneront plus de « croissance » et plus de retombées économiques pour l’électeur et ses proches, ou plus exactement un optimum entre tout ça. Chacun voyant midi à sa porte et votant en fonction de ses valeurs et de ses intérêts, tous ne choisissent pas le même programme optimal… mais rares sont ceux qui pensent voter pour un programme économiquement pas optimal du tout! En tous cas, les pauvres et les classes moyennes aussi tendent à courir après l’argent…