Lors de notre dernière réunion bordelaise, j’ai évoqué un sujet qui me semble fondamental. J’en ai déjà un peu parlé ici.
On fait parfois des rapprochements entre Mavoix et d’autres mouvements citoyens, d’autres méthodes, d’autres initiatives. (Quand je dis « on », je parle des contributeurs Mavoix). Ok.
Mais de ces rapprochements, qui sont parfois de mauvais amalgames, il ressort parfois une drôle d’odeur. Une odeur de grand n’importe quoi. Une odeur d’incohérence.
Faire un pont, par exemple, entre Mavoix et La Family de Nicolas Colin (et leur slogan « Les barbares attaquent ») c’est nourrir, selon moi, la confusion et le non-sens.
Colin veut attaquer la puissance publique. Colin est un acteur de la disruption (la destruction accelérée des systèmes sociaux par l’innovation). Il défend le far-west général ( ce qui veut dire concrètement : la loi ne vaut pas pour nous). (Nous serons toujours en avance sur les institutions publiques : l’entrepreneur est le vrai moteur de ce monde, la politique est morte).
Pour un mouvement qui souhaite redonner la puissance publique aux citoyens, c’est plus qu’un paradoxe de ne pas argumenter contre ce genre de « barbares » (Colin enfile des platitudes historiques sur l’empire romain. Un Enarque qui s’assimile à un barbare est déjà, en soi, un peu grotesque).
Certaines personnes, au sein de Mavoix, semblent défendre des idées libertariennes qui sont, à mon avis, complètement incompatibles avec la démocratie. Moi ça me gène beaucoup. Ca entretient le grand n’importe quoi. Ca justifie que des gens ne nous trouvent pas sérieux.
La tendance libertarienne (qui prône une forme d’anarchisme individualiste, un libéralisme de moeurs généralisé) est également très prégnante dans le milieu « pirate » (la culture « hacker »)
Se repose donc la question que je pose souvent ici : qu’entend-on par Démocratie ? Au sein de Mavoix, des gens placent dans cette idée des choses qui sont contradictoires.
Notons d’ailleurs que le mouvement s’appelle Mavoix, et pas Notrevoix. Personnellement, je m’en fiche un peu, mais je crois que ça cristallise quand même quelque chose. Des gens sont là pour qu’on les entende eux, dans une perspective très individualiste, sans forcément défendre une organisation publique (publique = qui appartient à tous dans la cité - publique n’est pas synonyme d’Etat)
Ce qui veut dire qu’une personne qui nous demande ce que nous voulons, si elle nous demande quel est notre programme (et je rappelle toujours que nous en avions un : changer de forme de gouvernement, défendre une démocratie directe, en passant par une expérience précise), elle est en droit de nous répondre, devant tant de confusion, que nous ne savons pas ce que nous voulons.
Dans une moindre mesure, les références à l’holacratie, qui est une méthode managériale des nouvelles entreprises « libres » (j’insiste sur les guillemets), doit aussi nous obliger à formuler des critiques. On ne doit pas tout mélanger sous pretexte de défendre une vague et fumeuse « intelligence collective » (N’importe quel mouvement d’ampleur, celui d’une grande entreprise comme Samsung, celui de la dictature de Pinochet ou celui du FBI, pour prendre trois exemples qui n’ont rien à voir, est basé sur une forme d’intelligence collective : beaucoup de gens ont participé, réfléchi, discuté pour faire advenir ces trucs ; ce n’est pas le fait d’une ou deux personnes).
Donc
Quelle est la différence entre démocratie et anarchisme libertarien ?
Quelles sont les conditions d’une démocratie qui rendent ces amalgames impossibles ?
Pourquoi les méthodes de management (qui ne sont pas de la politique) diffèrent des méthodes d’une démocratie ?
Pleins de questions de ce type doivent se poser. Peut-être se poseront-elles au week-end du 2 décembre.